Des collections pour écrire notre histoire
Difficile d’écrire notre histoire sans accéder à des livres et des documents d’archives. C’est ce constat d’urgence auquel sont arrivés quelques personnages influents au Québec dès le XIXe siècle. Sans pouvoir s’appuyer sur des institutions publiques, ces hommes, historiens par passion, ont ainsi commencé à acquérir des documents et des livres témoins du passé de l’Amérique française.
On compte de grands noms parmi ces collectionneurs, comme le juge Georges Baby, l’abbé Hospice-Anthelme Verreau ou encore le notaire Victor Morin. Des érudits moins célèbres comme l’abbé Louis-Édouard Bois viennent également se greffer à cet aréopage, toujours à l’affût d’une trouvaille originale ou d’un exemplaire unique. Ces arpenteurs du savoir étaient en contact, et même parfois en compétition, pour bonifier leurs bibliothèques. Ouverts aux chercheurs ou préparés pour la postérité, ces rayonnages de papier sont devenus de précieuses sources pour le roman national.
Dès le début du XXe siècle, les collectionneurs, confortés dans leur rôle, ont cherché à constituer leurs propres musées. Ce mouvement était particulièrement en vogue chez les anglophones souhaitant forger l’identité du Canada, alors un jeune pays. Persuadés en outre que la culture des premiers occupants de l’Amérique était en train de disparaître, certains, comme David Ross McCord, ont souhaité accumuler des objets acquis auprès des communautés autochtones. Cette effervescence a attiré l’attention de malfrats en quête de profits : les vols et autres extorsions ont parfois nui à la démarche de « sauvetage ». Une démarche qui a en outre dépossédé les communautés autochtones de plusieurs objets et documents précieux.
La pratique des collectionneurs change avec le temps. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le marché va se structurer, notamment grâce au libraire Bernard Amtmann, qui développera le goût du Canadiana auprès des Montréalais.
La pratique des collectionneurs change avec le temps. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le marché va se structurer, notamment grâce au libraire Bernard Amtmann, qui développera le goût du Canadiana auprès des Montréalais. L’homme à l’origine de nombreuses vocations de bibliophiles sera aussi responsable de tensions avec les institutions chargées de collecter et préserver les documents. Ces dernières sont en effet devenues incontournables et puissantes en agrégeant un grand nombre de pièces au fil du XXe siècle, notamment celles des premiers collectionneurs.
La constitution de centres d’archives publiques n’a pas pour autant mis les collectionneurs à la retraite. Ces derniers, toujours réactifs et imaginatifs, trouvent en effet de nouveaux créneaux et méthodes les rendant toujours incontournables. Ce numéro de Cap-aux-Diamants est une occasion de retracer l’histoire de ces fouineurs invétérés sans qui une partie de notre mémoire serait aujourd’hui disloquée.
Sylvain Lumbroso et Fannie Dionne